Ïðî÷èòàíèé : 149
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Òâîð÷³ñòü |
Á³îãðàô³ÿ |
Êðèòèêà
LA RENCONTRE
Il a fait semblant de ne pas m'avoir vue,
mais j'ai bien vu alors qu'il ne voyait plus rien ;
et quand je l'ai perdu de vue,
pendant des heures on m'a dit
qu'il a fait le tour de la ville.
Je l'ai vu revenir de très loin et tout droit,
à la façon de ceux qui savent bien mon nom ;
et il m'a dit aussi ce qu'ils me disent.
Mais je ne l'ai pas entendu.
Je me disais : que va-t-il devenir?
Combien de temps demanderont ses yeux ?
Car ses yeux n'étaient pas de leur couleur encore ;
en sorte que ce n'est pas vraiment lui
qu'à cet instant j'ai vu venir,
mais sa main, qui venait la première.
Et tandis que cette main à la rencontre de la mienne
venait, pareille à des oiseaux,
j'aurais juré que je devenais pâle et trouble
comme font, lorsqu'on les approche, les nuages.
Et lui, voyant que je ne pensais plus à moi
que comme à des oiseaux qui s'éloignent,
il dit : je reviendrai.
Et il a redressé autour de moi les champs,
et remis le bois dans ses lignes.
Et les reflets des feuilles dans le fleuve
il les a replacés dans l'arbre avec les feuilles;
et sous ses yeux le fleuve a retrouvé sa vraie couleur.
Et moi, quand il est revenu, j'étais très claire,
à cause de mes yeux qu'il regardait.
Et quand il m'a touchée, j'ai vu s'ouvrir,
à leur vraie place, et calmes,
les cailloux du jardin comme une maison blanche.
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