Homme né en 1940
— c'était la guerre on a toujours eu peur de tout dans
la famille
où j'ai grandi
en sabots raison de mes pieds plats
je mangeais des topinambours de la polenta et des
figues sèches
Mon père n'était pas grec mais électricien
avec un nom du Piémont j'ai aussi le sang
d'un berger des Pouilles et d'une princesse monténé-
gresque
la tignasse
du corsaire maure qui séduisit une Catarina Segurana
d'il y a bien longtemps
Nous avons des héros morts et des couards aussi
la gloire nous a salués en plusieurs langues
parfois dans les deux camps nel stesso tempo
de César Martell Giuseppe Clemenceau à Bidon V
Héraldiquement riches troupiers purs aryens sans doute
mélangés de
juif
comme tout le monde exactement
nous fûmes parfaitement inconnus et inudles à travers
les siècles des siècles
et il n'y a merci Pépé aucune raison pour que cela
change
le café est-il ciré le whisky dans le vécé les enfants au
frigo
dans une certaine aisance voyez-vous doublée de pau-
vreté
C'est fait à l'étroit comme dans un cercueil
du 90 de large pour deux ça suffit pas
me voilà marié
aussi bêtement que mes ancêtres et pour que
leurs leçons profitent
nous durerons
sans grande convenance sans grand amour
par simple simplicité et pour arranger les choses
C'est fait tout va pour le mieux
je n'en dors plus
je me branle en pensant à d'autres filles
et aux destins hors du commun
Je suis poursuivi
par une mauvaise auto-suggestion
par une tradition romantique bourgeoise
une éducation sadico-masochiste manichéenne messia-
nique
par le bruit nocturne de la civilisadon à Istedgade trade
par la pauvreté
la saisie sur mon possible
mes amours mes indifférences et mes insuccès
par le cancer à venir
peut-être sur cette main à couper
je suis poursuivi par James Bond Cléopâtre et Pie VII
par la conscience de ma chair
l'ombre à minuit la plus courte
et les victoires de l'erreur
par cette horrible facilité et cette impossibilité physique
sauter du 5e étage sans ascenseur
par l'angoisse de veiller
mais le jour se lève
le jour se lève
se lève