Ïðî÷èòàíèé : 164
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Òâîð÷³ñòü |
Á³îãðàô³ÿ |
Êðèòèêà
Midi
L'œuf du clocher, l'horloge, est doucement épris
de l'immobile été, le temps le couve et dort.
Déjà il n'est plus rien qui soit d'ici. Déjà
le grondement où s'annulait le monde s'est tu.
Le grand jardin dévoué aux souffles s'est abîmé,
il m'enlève.
Je m'étends avec lui jusqu'aux confins du monde.
Je m'enfonce dans ses creux, je respire par ses herbes.
Je me suis trouvé, il me semble, dans ses sources.
Entré par les flaques, dans ses eaux dormantes
une fois je me suis réveillé.
Ou si je l'avais cru ? Mais là dans la prairie,
de l'autre côté si proche, dans le bosquet de noisetiers.
C'était là... Ou dans cette chambre sombre à cette heure,
sous les solives... L'horloge veille. Elle était dorée...
Et je fus hors du temps.
...Je suis tôt revenu. Je ressasse ma peine,
je poursuis ma protestation contre le temps.
Dans l'infirmité perpétuelle de ma vie changeante,
dans mon histoire,
j'ai voulu enfreindre les limites, retrouver
l'afflux de l'énergie sans voix, le chant absolu.
J'ai tâtonné sans relâche, veillé, gâché. J'ai vieilli.
Je bute encore sur moi. Je me souviens. Je m'éloigne.
Je suis devenu plus fort et je suis plus opaque,
dans un monde qui ne répond pas.
Nous vivons mal à l'aise ici, nous le savons.
Notre ambition nous a fourbus, notre honneur.
En vain se sont accrus l'impatience et le pouvoir :
nous ne créons plus de dieux, nous sommes délaissés.
La Mère folle est partout avec nous dans la danse
et nous n'exultons pas.
Pour avoir laissé perdre la bonté ténébreuse
des objets fraternels, nos horizons se sont fermés,
nous sommes bien plus pauvres.
En vain des cris nouveaux scintillent dans nos rues,
klaxons et néons, sifflements des autos comme des aras.
Sur les immeubles de rapport de gras balcons s'étalent,
et tout est geste vantard. Les devantures
du petit commerce sont infatuées de marbre.
Le béton stérilisé recouvre uniformément
mille corps trépignant.
Qui a déraciné les tendres cheminées, dispersé les rêves
qui s'écaillaient? L'homme d'aujourd'hui ne respire
plus
par les pierres de ses maisons. Il n'y a plus de porte
pour le conduire à un jardin caché.
Luxe vide, solitude fardée. Sous les mots,
du matin au soir les cœurs tremblent.
La nature cependant a conservé la noblesse ancienne.
Toujours les oiseaux jouent
dans l'espace entre les hameaux.
Les rivières passent. La forêt sur la hauteur.
Dans l'azur au-dessus de la montée, le soleil
ne se détourne pas du vallon perdu.
Les jeunes bêtes aux pattes grêles dans l'herbe grasse,
les lapins mal rassurés parmi les essarts,
le chemin après les maisons, le séneçon et l'oseille,
rien n'a bougé : les animaux courent par les terres
ou regardent la même aube se lever sur les vergers.
O arbres vieillards, donateurs modestes, solennels des fruits!
O troupeau enfantin des arbres, petits fronts taurins
empanachés de tiges blanches, par le grand vent résistant,
assaillis, ô frères tutélaires !
Nous vivons séparés sous des drapeaux de paille,
mannequins sur des lits-cages, sur une place vague
où l'infâme misère au soir a resplendi.
Leurre et détresse. Je n'en sors pas. Je porte une corde
gelée.
Orphelin parmi les autres dans la foule déserte,
je tâtonne à la recherche d'une plénitude,
d'une action qui m'y porterait.
S'avance à pas lourds l'avenir aux fanaux troubles.
— Use prononce dans trop de cruauté.
— Em'a trompé déjà. J'en distingue mal le visage.
— Je me force à l'espoir. Je suis seul. Je n'y vois pas.
Il me faudra rêver... Mais je touche la terre.
D'une présence obscure, des éclats demeurés
apparaissent encore pour peupler mon voyage,
insufflent la légende
parmi la parade inutile de mes pas.
J'en trouverai assez pour que j'ose poursuivre.
Je regarde : je vois les murs ce soir
roses comme les pommiers. J'avance... J'imagine.
J'imagine ou je vois. Et voici la merveille,
sur la route qui s'approche du village,
une église végétale sur le pavé du roi.
Depuis toujours déjà
Un charron arrange des jougs bleus. Aux boutiques
du bourrelier et du menuisier me transporte
la douceur des objets d'autrefois bien aimés.
Vieux pays qui déjà n'est plus assez vivant
pour m'interdire de le rêver si tendre.
Déjà s'éteignent les derniers fours à pain,
s'éloignent les dernières fumées d'herbes.
On enlève de la haie la roue abandonnée.
Les signes changent. Se meurt la patrie désirable.
Vieux pays qui nous offrait dans tous ses jardins
la dédicace d'un parfum de réséda.
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