Seule
Ce matin tu as quitté le creux tiède de mon ventre
où tu t'abandonnes Ma main a cherché la douceur de ta hanche
qui disperse les ombres de la nuit
Sans toi
Sans retrouver le bleu de tes yeux
le soir quand tu ouvres la porte Sans ton épaule qui reçoit mon visage fatigué Sans tes lèvres sur ma bouche
où tu bois le doux-amer des jours
Tant d'années ont tissé nos vies ensemble
Nous ont tramés désassemblés réunis
creusés de failles d'abrupts de vires
où nous regarder encore
Je sais le bruit des orages
dans l'encre de tes yeux
Je sais les peurs de l'enfant solitaire
qui s'arme de silence
et s'enferme dans ses lèvres serrées
Et je sais derrière ton front muet
les questions silencieuses
les refus les regrets
Je sais ton corps modelé par les ans
qui m'émeut toujours
Je sais tes doigts légers
sur les tracés douloureux et secrets
qui traversent mon corps
Et je sais les mots
qui ouvrent les cicatrices
de ma mémoire
Je sais ton rire ensoleillé
au sommet des montagnes
les battements de ton cœur
à certaines musiques
Je sais mes élans
caressés par le vent des ailleurs
tes mains ouvertes qui se crispent parfois
Je sais aussi la douceur rassurante
de la terre commune
où s'enracinent nos enfants
Le Chant des pierres et de l'eau, Éditions Samizdat